Les Contes de l’Atlantique : le commerce maritime colonial

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VERSION FRANCAISE

Les Contes de l’Atlantique : le commerce maritime colonial

Voici l’une des histoires de l’Atlantique, celle où la priorité des habitants du Nouveau Monde est de garder contact avec l’Angleterre et la société européenne. Le moyen ? Les routes maritimes. C’est dans ces conditions que le commerce maritime se développe rapidement dans les colonies.

 

I) Les Atouts du Commerce : les facteurs économiques et sociaux à l’origine de l’expansion du commerce maritime

Les produits

Sur la côte est de l’Amérique du Nord, treize colonies se sont formées. Chacune cultive et produit des ressources spécifiques à sa région.

Les colonies du nord se concentrent sur la pêche et le bois pour les constructions navales. Les colonies médianes cultivent les céréales et produisent de la viande, tandis que les colonies du sud se concentrent d’abord sur le riz, l’indigo et le tabac.

L’avantage du Nouveau Monde est que ces produits et ressources naturelles sont très demandés partout dans le monde et sont considérés comme essentiels, ce qui permet aux colonies de prospérer rapidement. Les routes maritimes vont alors s’étendre au-delà des treize colonies, de sorte à exporter les marchandises vers le Vieux Continent et la nation mère (la Grande-Bretagne).

 

Le commerce avec les Autochtones

Un autre bienfait de ce commerce est le contact créé entre les colons et les Autochtones.

Les colons échangent les matériaux en métaux tels que les lames, houes et marmites, ainsi que l’alcool et les perles en verre utiles aux cérémonies religieuses des Amérindiens, contre de la fourrure (de castor et de cerf) fournie par les chasseurs autochtones.

La vente de fourrure joue un rôle important dans le commerce maritime, attirant les marchands des autres continents, qui se rendent volontiers dans les régions du nord.

Grâce à ce marché qui profite aussi bien aux Amérindiens qu’aux Européens, les tensions s’apaisent pour laisser place à une “alliance” commerciale.

“Pour les colons, il s’agissait de mettre en place l’infrastructure et les relations dont ils auraient besoin pour rester et prospérer dans le Nouveau Monde. Pour les Amérindiens, il s’agissait souvent d’établir des alliances potentielles.” (National Geographic)

Pourtant, des tensions apparaissent tout de même, notamment entre tribus amérindiennes. Une première guerre tribale, en 1675, a d’ailleurs pour origine un conflit concernant leur commerce avec les Européens.

 

L’organisation du commerce

Le rapide essor du commerce maritime n’est pas seulement dû aux avancées technologiques, mais aussi à une nouvelle organisation des échanges marchands liée à la traite négrière et au développement des colonies du Nouveau Monde. La diminution progressive des obstacles en mer (comme les risques liés aux pirates et aux corsaires) facilite également les flux.

 

II) Naviguer sur les eaux coloniales : routes commerciales et conditions de voyage

Les routes maritimes

Différentes routes sont empruntées durant la colonisation des Amériques, chaque pays ayant différents comptoirs sur le continent. La route du commerce triangulaire est l’une des routes les plus utilisées du 16e siècle au 19e siècle. Les pays européens, tels que la Grande Bretagne, la France, l’Espagne, le Portugal ou encore le Danemark et les Pays Bas étaient les principaux acteurs du commerce triangulaire.

L’industrie agricole et le commerce des esclaves sont les activités sur lesquelles se base le commerce maritime. Les produits manufacturés en Europe sont échangés contre les matières premières (sucre, tabac, café ou coton) cultivées dans les Amériques par les esclaves importés d’Afrique.

Dans les colonies britanniques du Nord des Amériques, c’est la pêche et le commerce de fourrure qui contribuent le plus au commerce maritime. La morue ou encore la fourrure de castor sont des produits très exportés en Europe. Dans la Caraïbe, le sucre et le rhum sont les marchandises sur lesquelles reposent les échanges.

En Amérique du Sud, les industries minières sont majoritaires, ainsi que la culture du cacao et du café. L’industrie forestière américaine permet l’essor de l’économie navale, indispensable pour les échanges commerciaux.

 

Conditions de voyage

Les voyages d’un continent à un autre sont périlleux et longs et nécessitent une planification minutieuse.

La nourriture emportée à bord doit être non-périssable dans la mesure du possible, pour éviter qu’elle ne se retrouve dévorée par les vers. Les viandes et poissons sont salés et séchés afin d’éviter qu’ils ne moisissent. La nourriture est rationnée. L’eau douce est stockée dans des tonneaux pouvant parfois être remplis de bactéries.

A bord des navires négriers, les esclavagistes recourent à une extrême violence pour maintenir l’ordre ; les châtiments corporels sont monnaie courante.

On appelle la route entre l’Afrique et l’Amérique le “passage du milieu”. Durant le trajet, qui peut durer de quelques semaines à plusieurs mois, en fonction des conditions météorologiques, les esclaves sont enchaînés les uns aux autres ; impossible pour eux de se tenir debout ou de s’allonger correctement. Le rationnement fragilise la santé des esclaves, et les conditions dans lesquelles ils sont transportés facilitent la propagation de maladies.

Beaucoup meurent avant même d’avoir atteint les côtes américaines. Lors des voyages les plus meurtriers, le taux de mortalité peut atteindre 40%, notamment à cause de maladies telles que le typhus, la rougeole ou la dysenterie, très présentes à bord.

 

Les défis de la navigation

L’une des conséquences malheureuses du commerce maritime est la propagation de maladies qui s’exportent d’un continent à l’autre. Ces maladies ont des répercussions terribles sur les populations locales et des communautés entières sont décimées.

Un autre défi qui se pose aux acteurs du commerce maritime est leur exposition à de violentes tempêtes, à des courants et à des ouragans dangereux.

Tandis que les empires coloniaux s’enrichissent grâce au commerce maritime et à l’échange de produits, les populations autochtones deviennent dépendantes de ce commerce. La surexploitation de leurs ressources naturelles transforme leurs modes de production, leurs économies locales, et entraîne de nombreux changements sociaux et environnementaux.

 

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ENGLISH VERSION

 

The narratives of the Atlantic : Colonial maritime trade

Here is one of the stories of the Atlantic, in which the inhabitants of the Americas’ priority was to keep in touch with England and European society. How ? Via maritime routes. It is under those conditions that maritime trade emerged in the colonies.

 

I) Trade’s strengths : the social and economic factors behind maritime expansion

The products

The thirteen colonies were created on the eastern coast of North America. Each one cultivated and produced resources specific to its region.

The Northern colonies focused on fishing and shipbuilding. The Middle colonies cultivated cereals and produced meat, while the Southern colonies produced rice, indigo and tobacco.

The advantage of the Americas was that their products and natural resources were highly demanded all around the world and were considered as essential goods. That gave the colonies the opportunity to prosper quickly.

The sea routes were therefore extended beyond the Thirteen Colonies, in order to export merchandise to the Old World and particularly to the mother country (Great Britain).

 

Trade with Indigenous communities

Another benefit from these trades was the contact created between the colonists and Native Americans.

Indeed, settlers exchanged metal materials such as blades, hoes and cooking pots, as well as alcohol and glass beads used for Natives religious ceremonies. In return, Native Americans exchanged fur (beaver and deer) supplied by their hunters.

The fur trade played an important role in maritime trade, because it made it much easier to attract traders and ships from abroad to the Northern regions, but also because tensions were sometimes eased to make way for a market that benefited both sides and would lead to the creation of “partnerships.”

"For the colonists, it was about building the infrastructure and relationships they would need to stay and prosper in the New World. For Natives, it was often about establishing potential alliances." (National Geographic)

Yet, divisions still arose, notably between Native American tribes themselves. The first tribal war, in 1675, originated from a competition between tribes about their trade with Europeans.

 

Trade organisation

This rapid development was due not only to technological advances, but also to a new organization of trade linked to the slave trade and the development of the American colonies. The reductions in obstacles at sea (such as the risks due to piracy and privateering) facilitated flows and routes.

 

II) Navigating the colonial waters : trade routes and travel conditions

The shipping routes

The triangular trade was the most frequently used route from the 16th to the 19th century.

Maritime trade was mainly based on the agricultural industry and the slave trade. Products manufactured in Europe were exchanged for raw materials (sugar, tobacco, coffee or cotton) which were cultivated in the Americas by enslaved people imported from Africa.

In the Northern British colonies, fishing and fur businesses contributed the most in maritime trade. Cod and beaver’s fur were massively exported to Europe. In the Caribbean, sugar and rum were the goods on which trade was based. In South America, mining was the main industry, as well as cocoa and coffee production. The American forest industry led to the development of the naval economy, essential for trade.

 

Travel conditions

Journeys from one continent to another were long and dangerous, and required meticulous preparation. Food had to be non-perishable, fish and meat dried and salted to prevent them from rotting. Fresh water was stored in barrels that could sometimes be filled with bacteria.

On board slave ships, sailors did not hesitate to use extreme violence to maintain order, and corporal punishment was frequent.

The route between Africa and America is known as the "Middle Passage". During the journey that could last from a few weeks to several months, depending on weather conditions, the slaves were chained to each other, without the possibility for them to stand or lie down properly. The lack of food weakened the slaves’ health, and the conditions in which they were transported facilitated the spread of disease.

Many died before reaching the American shores. On the deadliest journeys, the mortality rate could reach 40%, mainly due to diseases such as typhus, measles and dysentery, which were prevalent on board.

 

Navigation challenges

One of the major impacts of maritime trade was the spreading of diseases on different continents. Some of those diseases had terrible consequences on local populations and entire communities were decimated.

Another challenge for traders was the unpredictable weather ; sailors were exposed to severe storms, unknown currents and hurricanes.

While colonial empires grew richer through maritime trade and the exchange of products, Native Americans became dependent on this trade. The over-exploitation of their natural resources transformed their modes of production and local economies, and led to numerous and dramatic social and environmental changes.

 

Written by / écrit par Lucie Moganassoundirame

 

BIBLIOGRAPHIE / BIBLIOGRAPHY

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Hillmann, H. and C. Gathmann (2011), « Overseas Trade and the Decline of Privateering », The Journal of Economic History, vol. 71, no. 3, pp. 730–61. 

Hubbard, E. (2021), Englishmen at Sea, Labor and the Nation at the Dawn of Empire, 1570-1630, Yale, Yale University Press.

Reussner, A., « L’hygiène navale à la fin du XVIIIe siècle », Outre-mers, n° 79 (1931), pp. 35-54

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WEBOGRAPHIE / WEBOGRAPHY

Lachance, A. (2008). La traversée de l’Atlantique aux XVIIe et XVIIIe siècles. Commission Franco-Québécoise sur les Lieux de Mémoire Communs.https://www.cfqlmc.org/bulletin-memoires-vives/bulletins-anterieurs/bulletin-n-22-octobre-2007/la-traversee-de-l-atlantique-aux-xviie-et-xviiie-siecles

Mycinski, C. (2021). « Quand les esclaves traversaient l’Atlantique », Le Monde, Histoire et Civilisations, https://www.histoire-et-civilisations.com/thematiques/epoque-moderne/quand-les-esclaves-traversaient-latlantique-68662.php

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Pastoureau, M., « Le Nouveau Monde disputé », BnF - Les cartes marines,http://expositions.bnf.fr/marine/arret/05.htm

On the Water. National Museum of American History.https://americanhistory.si.edu/explore/exhibitions/on-the-water

The New England Colonies and the Native Americans. Education | National Geographic Society.https://education.nationalgeographic.org/resource/new-england-colonies-and-native-americans/